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A l’instar du quai de la Fosse, l’île Feydeau est un concentré d’histoire nantaise. Conquête de terres gagnées sur le fleuve, fortunes construites sur le commerce triangulaire, naissance d’un nouveau quartier extra-muros, démonstration de “l’art des ingénieurs” dans la ville, autant d’évènements et de récits mêlés au sein de cette ancienne île de Loire progressivement confisquée de son caractère insulaire.

DE L'ÎLOT DE LA SAULZAIE A L’ILE FEYDEAU : LA CRÉATION D’UN QUARTIER NEUF SUR UNE ÎLE DE LOIRE

Au début du XVIIIe siècle, l’île de la Saulzaie est un petit îlot rocheux formant un faubourg relié à la ville close par un pont en bois, dit de la Poissonnerie. Des atterrissements en aval de l’îlot forment très vite une grève de sable attirant la convoitise de plusieurs spéculateurs. En 1721, le « terrain vain et vague » de la grève de la Saulzaie est finalement concédé par le Domaine et acquis par la ville de Nantes. Le maire de l’époque, Gérard Mellier, appuyé par l’ingénieur de la Ville, Jacques Goubert, définissent une opération immobilière d’une grande audace : lotir ces atterrissements pour en faire un quartier neuf composé de maisons aux façades régulières, le tout ceinturé par des quais.

Les ressources financières de la ville étant déjà absorbées par d’autres grands projets urbains, Mellier réussit à constituer une compagnie de vingt-quatre actionnaires privés, pour la plupart négociants et armateurs nantais, qui s’engagent à réaliser à leurs frais l’ensemble des maisons, rues, quais et cales selon les plans de Goubert. Le projet est approuvé en août 1723 par Paul-Esprit Feydeau de Brou, intendant de Bretagne qui donnera son nom à ce lotissement privé hors les murs. Très vite, l’opération immobilière se transforme en défi technique : comment asseoir les fondations des constructions projetées sur cette grève instable et inondable ? Finalement, une soixantaine d’années seront nécessaires pour mener à bien le lotissement de l’île Feydeau, véritable vitrine architecturale de la demeure urbaine nantaise au milieu du XVIIIe siècle.

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Les cours intérieures

Vers 1750, le rythme des constructions au sein du nouveau quartier s’accélère grâce aux diverses solutions mises en œuvre pour stabiliser les fondations. L’architecture des maisons de l’île de Feydeau se caractérise alors par l’adoption d’un plan à cour centrale fermée. Deux immeubles indépendants occupent la même parcelle et partagent une cour commune. Ainsi, l’un des deux immeubles donne sur le quai (actuels quai Turenne et allée Duguay Trouin), l’autre sur la rue Kervégan, artère centrale du lotissement. Dans la cour, deux escaliers dans-œuvre associés à des colonnes de latrines se font face et permettent de desservir les étages de chacun des immeubles. D’une cour à l’autre, l’observation de ce modèle commun n'empêche pas les variations dans la composition et l'ornementation des façades.

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Le rattachement de l'île Feydeau à la ville

Au début des années 1920, un bras de fer oppose la municipalité de Nantes à l’administration des Ponts et Chaussées. En cause, la situation critique des quais, cales et ponts du centre-ville causée par l’effet couplé de crues particulièrement importantes et de la baisse du niveau d’étiage de la Loire. En 1924, une série d’incidents met fin au débat : effondrement de deux arches du pont de Pirmil, du quai Magellan, d’une cale sur l’île Feydeau, sans compter l’état déplorable des fondations du quai de la Bourse. En 1926, un programme de comblement des bras de la Bourse et de l’Hôpital, qui enserrent l’île Feydeau, est adopté. Si l’argument sécuritaire développé par les ingénieurs des Ponts et Chaussées apparaît justifié, le programme de comblement des bras nord de la Loire, puis de détournement de l’Erdre, traduit une évolution du rapport au fleuve. Plus qu’un simple obstacle au développement urbain, la présence de l’eau incarne aussi la mémoire d’un passé portuaire dont la fortune au XVIIIe repose largement sur le commerce des esclaves. L’île Feydeau et ses immeubles en sont le symbole.

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