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A la lisière de la zone industrialo-portuaire de Cheviré, près de 225 hectares de prairies inondables et de roselières s’étendent entre la Loire et le coteau. Longtemps utilisée pour la mise en pâture des bovins, la vallée de Bouguenais forme encore aujourd’hui une enclave agropastorale aux portes de Nantes. Au nord de la vallée, émerge le tranquille village de Port Lavigne et son port à sec.

DU SEL, DU VIN ET DE LA PÊCHE : MÉMOIRE D’UN PORT DE LA BASSE-LOIRE

Situé à la confluence de l’étier de Bouguenais et du chenal principal de la Loire, le village de Port Lavigne a longtemps vécu au rythme du fleuve. Installé sur un éperon rocheux, le village était périodiquement coupé du bourg de Bouguenais lors des crues de la Loire, formant une véritable île habitée. Dès le Moyen Age, Port Lavigne fut le centre d’un commerce de marchandises en provenance du Pays de Retz, notamment le sel et le vin. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, ce commerce y est encore actif par la présence de marchands de vins en gros. Ainsi, en 1878, on dénombre plus de 50 000 barriques de vin expédiées annuellement par voie d’eau depuis le village, sans compter les autres marchandises exportées vers le port de Nantes (foins, roseaux, sable).

Comme en témoignent les toiles du peintre Edmond Bertreux, la pêche occupait durant plusieurs mois une grande partie des habitants. La pêche dite à la senne, consistant à rabattre en groupe un filet avec le poisson sur la grève, y était pratiquée. Les pêcheurs se rendaient notamment sur les plages de l’île Cheviré et de l’île Botty, situées vis-à-vis du village pour remonter leurs filets. Aujourd’hui, la technique de pêche au carrelet a remplacé celle à la senne. Elle se pratique depuis des pêcheries sur pilotis installées le long de l’ancienne digue de Port Lavigne en bordure de l’étier de Bouguenais. Cette dernière, construite au début du XXe siècle, fut rapidement appuyée par une chaussée constituée à partir des produits du dragage de la Loire et des scories de la fonderie de Couëron, mais également par des débris provenant de la démolition du vieux clocher de l’église du bourg de Bouguenais.

Inventaire du Patrimoine

Portrait de Claudine Tual, “La vie, la mer, l’amour et l’estuaire”

À soixante-quinze ans, petite, fluette, le visage plissé par le soleil, les voyages et les épreuves, Claudine n’a plus peur de rien, surtout pas de chuter dans la descente du Flouren-Holen qu’elle a tant empruntée et dans des conditions autrement plus difficiles, lorsque le bateau gîtait au milieu de l’Atlantique, secoué comme une coquille de noix et trempé par des paquets d’eau projetés sur le rouf. « Ce n’est pas un foudre de guerre, mais il tient bien la mer ! Là c’est la table à cartes, là c’est la voilerie et là, dans le carré, on peut tenir jusqu’à dix autour d’un repas ! C’est pas confortable, peut-être ? C’est Gérald qui faisait à manger. Un bon cuistot ! Parfois, tout le chantier de Port-Lavigne débarquait. Il y en a eu des fêtes dans ce carré ! »

Claudine a posé les mâts du Flouren-Holen le long de la quille, comme on dépose les armes. La saison n’est plus aux horizons lointains, aux moments d’harmonie lorsque la navigation est un rêve, ou à ceux de terreur absolue quand le Flouren-Holen manquait, pour la centième fois de la nuit, de se briser dans un creux. Lorsqu’elle partage ses souvenirs sur le pont de son bateau, il suffit de fermer les yeux pour sentir celui-ci glisser sur l’eau toutes voiles dehors et fondre sur des rivages inconnus. En rouvrant les yeux, nous constatons que la Loire s’est retirée. C’est marée basse mais le Flouren-Holen n’a pas bougé. Le gouvernail est resté figé trois mètres au-dessus du sol.

Des Rives

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