La grande vallée
Partagés entre les communes de Couëron et Saint-Etienne de Montluc, plus de 2 000 hectares de marais forment une vaste zone humide appelée la “Grande Vallée”. En contact régulier avec la Loire, ces marais illustrent un long processus de conquête de la plaine alluvionnaire, dont l’homme a très tôt su tirer profit afin d’étendre les terres cultivables et les pâturages.
CRÉATION ET GESTION DES MARAIS
L’histoire de l’aménagement des marais de Saint-Etienne-de-Montluc et de Couëron remonte au Moyen Age. Installés sur la rive sud, les moines de l'abbaye cistercienne de Buzay commencèrent, à partir du XIIe siècle, à aménager un chapelet d’anciennes îles sur la rive nord. Ainsi, durant des siècles les moines ont creusé, drainé et mis en valeur ces marais afin d’en tirer profit, notamment par l’élevage de bovins et de chevaux. Les XVIIIe et XIXe siècles marquent une seconde phase d’aménagement de ces marais. Au début des années 1820, deux ouvrages hydrauliques importants sont édifiés : l’écluse de Vair et du Dareau. Essentiels pour une gestion efficace des niveaux d’eau dans les marais, ces ouvrages permettent l’évacuation du trop-plein d’eau en hiver et d’assurer, l’été, les entrées d’eau de la Loire. Ce labyrinthe d’étiers, de canaux et douves, où la régularisation hydraulique est assurée par plus de 80 vannes, est géré depuis 2011 par l’association syndicale des marais de Saint-Etienne et Couëron. Ces marais estuariens à vocation agricole sont également des espaces fragiles, à haute valeur environnementale, en abritant une faune et une flore remarquables à découvrir au fil des saisons.
PORTRAIT DE CLAUDE BABIN
Claude Babin est né à deux kilomètres de là, au lieu-dit La Sénéchalais sur la commune de Saint-Étienne-de-Montluc. On pourrait croire qu’il aime mécaniquement ce territoire simplement parce qu’il y a passé toute sa vie, mais ce serait réducteur. Claude et les marais ne font qu’un. Sur le fronton d’un bâtiment de sa ferme, à La Sénéchalais, il a fait peindre une fresque qui représente les marais, une vache avec son veau devant une petite écluse. Une véritable déclaration d’amour.
L’écheveau imaginé par les moines cisterciens n’a donc plus de secrets pour Claude Babin. Pour poursuivre notre chemin à travers les marais vers l’étier de la Gicquelais, il nous conseille de passer par l’écluse de Vair, celle-là même qu’il a fait peindre dans sa ferme. En tant qu’éclusier, il devrait l’entretenir mais il ne va plus l’actionner depuis sa rénovation. Claude Babin boude l’écluse de Vair, vexé que les ingénieurs n’aient pas pris la peine de le consulter avant de la transformer en une vanne compliquée, chère et inutile à ses yeux. Le plus vieil ouvrage hydraulique des marais – il remonte à la fondation de l’abbaye de Buzay, au XIIe siècle – avait pourtant été équipé en 1820 de portes d’èbe et de flot qui pouvaient s’ouvrir et se refermer à la seule force des marées. Claude Babin dit qu’il suffisait de les remettre en état plutôt que d’affubler l’écluse de ce portique disgracieux qui a prématurément vieilli.
LE CHANTIER NAVAL FOUCHARD
Créé par le grand-père, géré depuis quelques décennies par le père, Loïc, qui va bientôt passer la main à son fils, le chantier Fouchard est une affaire de famille et de savoir-faire qui se transmet depuis trois générations. Loïc fait son apparition au volant d’un monte-charge qu’il gare sans ménagement. La soixantaine bien entamée, en bleu de travail et la carrure de l’artisan qui a passé sa vie à soulever de lourdes pièces de bois, il a sa mine renfrognée des mauvais jours : il vient encore de ramasser des détritus jetés dans les marais par des promeneurs négligents.
Avec son petit atelier en tôle ondulée et son unique cale qui plonge dans la vase de l’étier, le chantier Fouchard ne paye pas de mine mais il est considéré comme l’une des meilleures charpenteries de marine de toute la région. Sur de sérieux tréteaux, un mât de dix-sept mètres de long, en pin d’Oregon, est couvé du regard par son propriétaire, un capitaine au long cours à la retraite et désormais marié au Swastika, un ketch britannique de 1908 classé au titre des Monuments historiques et comme tel restauré dans les règles de l’art par les Fouchard, au même titre que d’autres bateaux à forte valeur patrimoniale comme le Lechalas, le Va Pas Trop Vite, le Kurun, le Farewell ou le Vétille.