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Sur la rive nord, l’imposante centrale thermique de Cordemais accroche la lumière et concentre inévitablement l’attention. Pourtant à l’ombre du complexe industriel, le petit port de Cordemais continue de vivre au rythme de l’estuaire et exprime un rapport intime qu’entretient la commune avec le fleuve.

LA CENTRALE THERMIQUE

Visible à des kilomètres à la ronde, la centrale thermique à flamme de Cordemais est un des sites industriels les plus emblématiques de l'estuaire de la Loire et même de l’ouest de la France. Programmée dès le milieu des années 1960 et opérationnelle à partir de 1970, les installations d’une superficie de plus de 100 hectares, se répartissent sur les îles Calotte et Nation, réunies par un processus d’atterrissement au XIXe siècle. La centrale de Cordemais est divisée en cinq “tranches”, à savoir cinq sections autonomes de production d’énergie : trois tranches au fioul et deux tranches au charbon. Elle constitue aujourd’hui la plus importante des centrales thermiques françaises.

Dans une logique de développement durable, les tranches au fioul alimentées par la raffinerie de Donges ont progressivement été arrêtées jusqu’en 2018. Aujourd’hui, seules les tranches 4 et 5 fonctionnant au charbon en provenance du terminal charbonnier de Montoir-de-Bretagne sont encore en activité. Pourtant, l’avenir de la centrale de Cordemais pose question. La loi impose la mise à l’arrêt d’ici 2022 des quatre centrales à charbon du territoire hexagonal. Au-delà du simple repère dans le paysage, l'architecture monumentale de la centrale symbolisée par ses hautes cheminées rouges et blanches, participe pleinement à la construction de l’identité estuarienne.

Inventaire du Patrimoine

LA GARE DE CORDEMAIS ET LA POCHE DE SAINT-NAZAIRE

 

La frontière de la Poche de Saint-Nazaire passait quelque part par ici, dans ces marécages impraticables, hermétiques. S’il fallait voir dans ce paysage un élément qui l’évoquerait fortuitement, ce pourrait bien être le faisceau des lignes à haute tension qui s’échappe de la centrale vers le nord, en direction de la gare de Cordemais.

Adjoint au maire de Cordemais chargé de la Culture, Xavier Trochu aime donner rendez-vous à la gare de Cordemais pour évoquer l’histoire de la Poche de Saint-Nazaire. Il y a là un trajet d’à peine sept cents mètres, « de la gare à la maison Moisan en passant par le café Loiseau, m’a-t-il précisé au téléphone, sur lequel vous ne pouvez pas faire l’impasse ». Grand spécialiste de l’histoire locale des deux conflits mondiaux, Xavier Trochu est intarissable sur le sujet, incollable aussi, sauf peut-être sur le tracé exact de la ligne de démarcation : « Elle serpentait quelque part dans les marais de Cordemais, de la gare jusqu’à l’actuelle centrale EDF, en bord de Loire. Il n’en reste aucune trace. Il ne s’agissait pas d’une frontière à proprement parler, plutôt d’un front, une zone dans laquelle si vous avanciez, vous étiez repéré et visé, précise-t-il en haussant la voix pour couvrir le vacarme du TGV qui file vers Saint-Nazaire en faisant trembler la petite gare de Cordemais. Quant au bourg de Cordemais, à trois kilomètres au sud-ouest de la gare, il était en première ligne, mais du mauvais côté du front…

Des Rives

LA MIGRATION DES CIVELLES

 

Tout commence dans la mer des Sargasses, vaste zone océanique de l’Atlantique nord, au large des Bermudes et des Caraïbes. C’est là que les anguilles se reproduisent. Minuscules, les larves entament une transhumance au long cours. Semblables à de petites feuilles, elles se laissent porter par les courants en direction des côtes européennes, à six mille kilomètres de là. Un an de vagabondage au gré des flots, et les voilà au large des embouchures, notamment celle de la Loire, qu’elles affectionnent. Elles ressemblent désormais à des lombrics translucides qui profitent des marées montantes pour remonter les filets d’eau douce et s’engager dans l’estuaire. Au-delà de Nantes, lorsque l’effet de marée se fait moins sentir, ces alevins se dépensent sans compter contre le courant et grimpent sur des plans inclinés aménagés pour franchir les barrages, les vannes et les écluses. Leur instinct les pousse à remonter le plus loin possible le fleuve et ses affluents, à gagner l’eau douce de cours d’eau plus tranquilles pour y grandir et passer la plus grande partie de leur vie d’anguilles. Dans une dizaine d’années, à l’approche de leur maturité sexuelle, elles entameront le chemin du retour. Embarquées par le fleuve qu’elles ont su dompter à l’aller, elles gagneront les profondeurs de l’Atlantique, nageront jusqu’à la mer des Sargasses pour y frayer… et y mourir. Certaines, cependant, seraient capables de faire plusieurs fois l’aller-retour.

Des Rives

Portrait de Mickael Vallée

 

Plusieurs pêcheurs de civelles font des ronds dans l’eau. La vase est remuée, algues et végétaux flottent entre deux eaux. Le bateau de Mickael Vallée déchire la brume exhalée par le fleuve, laissant la lueur de quelques étoiles nous parvenir. Quand il remonte ses deux grands tamis pour les secouer au-dessus d’un vivier obstrué par un fin grillage, l’air s’emplit de l’odeur des feuilles pourries où se tortillent quelques civelles avant de tomber dans la fosse. Ce soir, les prises ne sont pas bonnes. Quelques dizaines de grammes toutes les huit ou dix minutes. Du menu fretin… Les civelles n’aiment pas les hivers secs. Lorsqu’il pleut beaucoup, en revanche, l’eau douce ruisselle de partout dans l’estuaire et les pêcheurs font parfois des prises miraculeuses, bouclant leur quota bien avant la fin de la saison. Mais cela devient rare et l’estuaire de la Loire n’est plus l’eldorado de l’« or blanc » qu’il était autrefois. La faute à la surpêche ? Au braconnage ? À la pollution des rivières ? Un peu de tout à la fois, probablement. Mickael reparle d’humilité, de la nécessité des quotas de pêche, des quotes-parts de prises réservées aux fermes d’élevage européennes pour le repeuplement des cours d’eau… De la Chine, aussi, qui achète le kilo de civelles plusieurs centaines d’euros au point de déstabiliser le marché et favoriser le braconnage. (…) La cote des civelles de contrebande peut atteindre 4 000 euros le kilo, l’équivalent d’un caviar de bonne qualité !

Des Rives