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A la frontière du territoire brièron, un squelette de béton armé émerge sur la rive gauche du Brivet, tel un impressionnant rappel de l’histoire mouvementée des Forges de Trignac. De cette poétique de la ruine, se dégage le témoignage saisissant mais fragile d’une usine surnommée “l’enfer” par ses ouvriers, et d’une aventure industrielle intimement liée à la naissance des chantiers navals de Saint-Nazaire.

L’HISTOIRE DES FORGES : ENTRE GRANDEUR ET DÉCADENCE

L’usine métallurgique de Trignac est créée en 1879 par la Société des Mines de fer de l’Anjou et des Forges de Saint-Nazaire. A l’époque, Trignac ne constitue qu’un petit village de 350 habitants encore dépendant de la commune de Montoir. Le choix de ce site répond à la nécessité de disposer d’un complexe sidérurgique à proximité de Saint-Nazaire face à l’augmentation de l’activité des chantiers de construction navale. En 1883, l’usine compte déjà 1 305 salariés et produit 44 900 tonnes de fonte et 28 260 tonnes d’acier Bessemer destiné notamment à couler la majeure partie des rails du métro parisien. A la veille de la Première Guerre mondiale, l’usine tourne à plein régime, jour et nuit, et emploie plus de 4 500 ouvriers.

Pourtant, cette prospérité est mise à mal durant le conflit par une baisse des commandes, des difficultés d’approvisionnement et une main d’œuvre masculine mobilisée sur le front. Au sortir de la guerre, les travaux de modernisation continuent mais le contre-coup est dur et les difficultés s’accentuent. L’année 1932 marque l’arrêt des hauts-fourneaux et la fermeture de l’usine. A l’approche de la Seconde Guerre mondiale, une reprise de l’activité est financée par l’Etat pour participer à l’effort de guerre. Mais à partir de 1940, l’usine est réquisitionnée par les Allemands. Partiellement touchée par les bombardements alliés, la société propriétaire de l’usine renonce à sa remise en route en 1945. Cette décision incarne la fin de l’aventure sidérurgique des Forges de Trignac.

Inventaire du Patrimoine

Repères chronologiques

  • 1879 : Création de l’usine sidérurgique de Trignac
  • 1884 : Première grève aux forges et débauche de 1 150 salariés
  • 1889 : Premier dépôt de bilan
  • 1894 : Grande grève des Forges de Trignac à la suite de la fermeture de l’atelier de puddlage
  • 1914 : Record de production de l’usine
  • 1932 : Arrêt des hauts-fourneaux et fermetures de l’usine
  • 1940/42 : Réquisition de l’usine par les Allemands
  • 1945 : Fin de l’activité sidérurgique des Forges de Trignac
Inventaire du Patrimoine

Un squelette de béton

 

Nous suivons Olivier dans des couloirs de ferraille, sur des escaliers aériens qui montent, descendent et montent à nouveau jusqu’à l’avant-bec, cette grande plate-forme qui s’avance au-dessus du cargo sur une cinquantaine de mètres. « Regardez ça ! C’est le plus beau bureau du monde ! » s’exclame le grutier en désignant du menton un panorama exceptionnel. Guidé par la curiosité, chacun se cramponne sur un point cardinal. Le regard d’Olivier s’accroche aux énormes silhouettes des forges de Trignac, à trois kilomètres de nous. Squelettes de béton, les forges désaffectées depuis 1943 continuent de marquer l’agglomération de Saint-Nazaire de leur troublante poésie de site industriel abandonné. Franck s’attarde à l’ouest, où les superstructures des chantiers navals s’activent sur le MSC Meraviglia, le plus gros paquebot jamais construit par un armateur européen – trois cent quinze mètres de long, quarante-trois mètres de large et soixante-cinq de haut ! –, en cours d’assemblage. Quant à moi, ma vue se perd au sud, erre sur la rive d’en face où les pêcheries de Saint-Brevin s’avancent sur la Loire avec prudence, et s’échoue sur le banc de Bilho, au milieu du fleuve, sans doute le parangon des observatoires pour contempler la Loire dans ses derniers instants avant sa disparition.

Des Rives